10 Janvier 2020

[Télécommunications] A la rencontre du segment sol

Améliorer la qualité d’usage de l’Internet par satellite, optimiser son coût, préparer les évolutions technologiques en phase avec les nouveaux usages, soutenir les industriels français : telles sont les missions du segment sol télécom du CNES. Illustrations avec les projets en cours de développement.

 

Classiquement, dans le spatial, le segment sol fait référence au centre de mission qui contrôle un satellite en orbite et traite les données transmises dans le cadre d’un programme d’observation ou d’un programme scientifique. Appliqué aux télécommunications par satellite, le terme a une signification différente. Le segment sol s’intéresse à l’utilisateur final, connecté à la télévision ou à l’Internet par satellite, avec un objectif : faire en sorte que son terminal décode correctement les données transmises par le satellite et qu’il reçoive les contenus qui lui sont destinés, avec la même qualité et au même prix que s’il utilisait une technologie terrestre. Pour cela, il faut optimiser les technologies existantes, développer de nouvelles briques technologiques et se projeter vers les futurs systèmes de télécommunications.

Des enjeux économiques et industriels

Au CNES, une équipe de 5 personnes œuvre à la compétitivité et à l’évolution des segments sol de télécommunications par satellite, explique Valérie Foix, chef de service Systèmes Télécom :

Nous travaillons sur l’optimisation de l’utilisation des bandes de fréquence, sur l’évolution des usages par rapport aux coûts, ou encore sur l’adaptation des protocoles Internet, qui sont pensés pour le terrestre et non pour le satellite.

Le segment sol a fortement contribué par exemple au programme THD Sat. Mené dans le cadre des investissements d’avenir pour déployer un Internet par satellite à très haut débit, celui-ci a un double objectif : augmenter la qualité des services et réduire le coût de l’Internet par satellite, et aider les industriels français à se positionner sur le marché avec des produits compétitifs. 

De la recherche fondamentale à la R&D

Le segment sol intervient à tous les stades de la chaîne d’innovation, des travaux de recherche fondamentale à la recherche & technologie et jusqu’au développement de produits. Plusieurs outils de simulation et d’émulation sont développés en open source pour servir de support à l’ingénierie. C’est notamment avec l’aide de ces outils que les concepts peuvent être validés et leurs performances évaluées.

Très en amont, le CNES cofinance des thèses industrielles, en partenariat avec les industriels et des acteurs académiques. « A ce stade, il s’agit d’enrichir le domaine de recherche sur un point technique particulier pour répondre à une problématique industrielle. Nous participons aux réunions d’avancement, contribuons aux publications dans des revues scientifiques et donnons des avis sur l’orientation de la recherche », explique Jean-Baptiste Dupé, l’un des ingénieurs de l’équipe. Parmi les thématiques de recherche en cours, l’adéquation des protocoles de l’Internet avec les mégaconstellations, ou encore un sujet sur le machine learning appliqué aux télécommunications. 

L’étape suivante est celle de la R&T, qui permet de défricher une thématique en faisant le lien avec les industriels, dans une optique de transfert de technologie. Actuellement, c’est l’Internet quantique qui soulève des questions, avec d’importantes perspectives dans le domaine de la sécurité, de la défense et de l’économie numérique. Une des thématiques explorées par la R&T est de savoir comment utiliser les propriétés de la physique quantique pour développer des réseaux de communication sécurisés et interconnectés.

Nous identifions des cas d’usage pour étudier le rôle que le satellite jouera dans les communications quantiques en complément des réseaux terrestres, typiquement pour assurer les interconnexions sur longue distance.

Patrick Gélard, expert senior segment sol télécom

La R&T permet de réfléchir à des architectures spatiales, aux briques technologiques qui doivent être développées. L’Union européenne a lancé un programme ambitieux sur ce sujet, sur lequel la compétition internationale est forte. L’enjeu pour le CNES est là aussi de permettre à l’industrie française de se positionner.

Les différentes phases de développement

Viennent ensuite les phases de développement. Au stade de la phase 0, le segment sol s’interroge sur la manière de remplir une mission donnée sous tous les aspects, y compris économiques, en fonction de besoins identifiés. Par exemple, l’étude Siroco, menée en interne au CNES, s’intéresse au futur de l’Internet des objets (IoT) par satellite, détaille Patrice Raveneau, spécialiste de la thématique : 

Nous étudions différents systèmes pour voir si une solution spatiale permet de faire de l'IoT au bon prix, avec quel type de satellite, quel terminal, quelle méthode d'accès.

La phase A, en partenariat avec les industriels, permet d’aller plus loin dans l’étude de faisabilité. Exemple avec les communications optiques par laser qui doivent remplacer les liaisons radiofréquences entre le satellite et les stations relais. « Nous travaillons en ce moment sur la phase A du projet DYSCO, poursuit Patrice Raveneau. Il faut trouver la configuration d’implantation des stations qui optimise la disponibilité du satellite en fonction des conditions atmosphériques. Nous simulons pour cela différentes architectures de réseau afin de déterminer celle qui sera la plus efficace en termes de performance et de coût pour l’opérateur et donc in fine pour l’utilisateur. »

Enfin, intervient le développement des produits, durant lequel le CNES apporte aux industriels sa vision globale technique pour déployer les meilleures solutions au meilleur prix. La puce électronique Oxford, qui connectera bientôt des utilisateurs du monde entier à l’Internet par satellite avec un très haut niveau de performance et pour une dizaine d’euros ainsi que les solutions centralisées et prochainement virtualisées des segments sol des opérateurs SATCOM, bénéficient ainsi des travaux de R&D menés par le CNES dans le cadre du programme THD Sat.

Influer sur les standards de l’Internet

Enfin, au-delà de la contribution à l’innovation, l’équipe segment sol télécom représente le CNES dans les instances internationales de normalisation des protocoles de l’Internet, l’IETF (Internet Engineering Task Force), pour influer dans la mesure du possible sur l’évolution des standards de l’Internet. « Dans les télécommunications spatiales, nous visons à minimiser l’impact des spécificités du satellite sur les protocoles terrestres. Utiliser des équipements normalisés permet d’ouvrir plus de marchés et de réduire les coûts, explique Nicolas Kuhn, responsable de la normalisation. Le gros sujet du moment est la standardisation du protocole QUIC, poussé par Google, qui représente environ 30% du trafic Internet. Nous mobilisons les acteurs pour que le standard qui sera adopté en 2020 prenne en compte le plus possible les spécificités du spatial. »


A lire, le nouveau CNESMag n° 82

Pour prolonger la thématique, vous pouvez lire en ligne gratuitement, le nouveau  CNESMAG. Au sommaire de ce numéro 82 : « Télécommunications spatiales, bienvenue dans une nouvelle ère ». Pour tout savoir sur la révolution en cours  dans le domaine des télécommunications par satellite, incontournables pour connecter demain l'ensemble des habitants de la planète et leur apporter des nouveaux services dans tous les secteurs de leur vie quotidienne.